Depuis quelques années déjà, le yoga est en proie à un véritable phénomène de mode en occident, s’étendant et se propageant comme si tout l’Ouest du monde avait subitement décidé de vivre en paix et d’atteindre le moksha (libération par l’illumination spirituelle)!
En voilà une bonne nouvelle ! Pourquoi ce n’est pas encore passé aux infos ?
Yoga… ou pas ?
Yogini X « Euh… attendez une seconde, moi je fais du yoga comme activité physique, pour rester mince et en forme »
Moi : Ah ok, c’est cool. Mais si c’est la seule raison alors pourquoi du yoga et pas autre chose, j’sais pas moi, le footing ?
Yogini X « Bah parce j’aime bien le coté zen, c’est super feng-shui… et puis on se sent teeeeellement bien après un cours »
C’est super que notre yogini X pratique, et ce, quelles que soient ses raisons, mais ne vous semble-t-il pas qu’elle passe à côté de quelque chose ?
Pourtant, elle n’a rien à se reprocher ; il est probable que l’enseignement qu’elle reçoit s’en tienne à une pratique purement physique dans laquelle l’empreinte spirituelle et philosophique a été réduite à quelques « OM » récités au début et à la fin d’une classe ponctuée d’une ou deux phrases inspirante, prononcées ici et là, sans que le sens ou l’utilité n’en soit réellement saisi, à défaut d’explications…
Doit-on blâmer les professeurs alors ?
Peut-être un peu ^^, mais je ne vois pas en nous les responsables direct d’une instruction partielle et limitée d’un yoga victime de son propre succès.
La pomme serait-elle tombée très loin de l’arbre ?
À trop vouloir l’adapter à nos esprits occidentaux labellisés « rationnel », « analytique », « concret » et que sais-je encore, on a arrondi les angles de la forme singulière du yoga d’origine, jugée trop abrupte.
Il est là celui que j’ai pris le parti d’appeler à tort ou à raison, le « yoga nouvelle génération » :
au lieu d’être accepté par ses adeptes dans la globalité de tous ses aspects, il a été délivré comme un cadeau dont seul l’emballage rappelle encore ses racines orientales et sa nature véritable.
Les studios, les profs et les « styles de yogas » sont aujourd’hui légions, faites une recherche Google près de chez vous, ça fait (presque) peur.
Tous revendiquent leur différence, alors que la grande majorité se contente d’enseigner les asanas (postures) et, plus rarement, quelques pranayama (exercices de respiration).
Bon d’accord, chacun l’enseigne de façon spécifique, flow dynamique versus longue tenue des postures par exemple, mais ça reste tout de même assez « light » quand on sait que 3 phrases à peine traitent des asanas sur le 195 aphorisme que compte les « Yoga Sutras » de Patanjali.
Alors que cette œuvre majeure et première du genre, considérée comme le fondement du yoga le définit comme un système de développement personnel philosophique et spirituel, peut-on vraiment dire qu’on pratique encore le yoga à l’heure où il se résume bien plus à une activité physique qu’à toute autre chose ?
Même l’image artificielle et ancrée dans la matière que la plupart en ont et que les stars de la discipline propagent largement, va à l’encontre de ses principes fondamentaux.
Que ce soit en couverture des magazines, sur les devantures des studios et plus encore sur le net, partout s’affichent des corps à la plastique « parfaite» (répondant aux standards sociétaux de l’esthétisme), moulés dans des tenues, plus dénudées que la majorité des maillots de bain, réalisant des postures spectaculaires, sur fond de cadres naturels paradisiaques.
Tout laisse à croire que seuls Jessica Alba, Sean O’Pry et leur pairs peuvent pratiquer, sous réserve d’être en vacances aux Maldives et d’être capable de tenir sur les mains en grand écart lors du premier cours.
Alors certes ça donne envie, mais au vu des prérequis, qui va se sentir capable d’essayer… ?
En s’attachant et en véhiculant cette nouvelle image, la majorité des jeunes yogis, profs comme élèves, rendent le yoga plus attractif certes, mais clairement pas plus accessible, et puis est-ce encore du yoga?
Rien n’est moins sûr…
Bon… du coup on ne fait réellement du yoga que lorsqu’on vit comme un ascète monastique ? Uniquement dans l’austérité, après que les longues et fastidieuses heures de méditation quotidiennes et que l’interminable étude des textes sacrés nous aient permis de transcender les limites de l’espace, du temps et de la matière ? C’est ça ?
D’accord…
Ca a l’air fun dit donc !
Est-ce que ce point de vue puriste commence à vous gonfler ?
Ça tombe bien, moi aussi.
L’élévation spirituelle : des leggins fluos au Nirvana
Les temps changent et il me semble qu’on a le droit de vivre avec le sien, ça paraît même plus sain.
Vivre et être dans le présent ça vous parle^^?
Rien ne nous empêche pour autant d’approfondir nos connaissances par nous-mêmes, de valoriser et de respecter la tradition et les anciens écrits si on le souhaite.
Chacun n’est-il pas libre de vivre le yoga comme il l’entend et d’en faire quelque chose qui lui correspond?
Aucun dogme, aussi magnifique et sacré puisse-t-il sembler, n’a de dérogation pour se soustraire aux merveilleux dons que sont notre libre arbitre et notre intuition.
Si l’évolution récente du yoga, a permis sa diffusion massive et si l’image « artificielle » qu’on y attache attire des gens qui ne s’y seraient pas intéressé autrement, tant mieux pour le monde et tant mieux pour le yoga !
(Le retour du puriste monastique) :
« MAIS A QUEL PRIX !! POURQUOI, POURQUOI travestir le yoga si cela n’engendre même pas de prise de conscience spirituelle ??!! A quoi bon si cela n’amorce pas de réflexion philosophique sur l’existence !!! »
Voilà ce qu’on appelle voir le verre à moitié vide ; alors que le yoga
(et toutes les autres disciplines spirituelles passant par une pratique physique) ont longtemps été statués comme « réservés » au marginaux et aux originaux, voilà qu’on ouvre enfin grand les porte de celles-ci au reste du public !
YAAAAAAAAAAAAAAAASSSSSSSSSSSSSSSSSSSS !
Alors doit-on vraiment reprocher aux profs de donner aux élèves ce qu’ils veulent sans tenter de les éveiller à leur moi supérieur ?
Et si je vous disais qu’il ne nous appartient pas d’initier la démarche spirituelle de nos élèves. Que c’est un processus qui s’initie naturellement lorsqu’on y est préparé.
Me répondriez-vous que je ne devrais pas être professeur de yoga à moins d’être capable d’ouvrir votre 3ème œil sur demande et de faire de vous des saints entre 2 salutations au soleil?
Peut-être, mais à défaut d’en être capable dans l’immédiat, soyez rassuré, j’ai déjà constaté d’expérience que rien n’est laissé au hasard dans le yoga, au point que même une pratique physique simple amène, en temps et en heure, à vivre des expériences pour lesquelles les explications rationnelles et les sensations connues n’auront plus cours.
Rendu à ce point, les élèves viennent d’eux-mêmes demander des explications, nul besoin donc de les pousser à accepter ce qu’ils ne sont pas prêts à recevoir.
Et si il arrive que quelques adeptes zélés, insatisfaits de leurs cours d’asana hebdomadaire, soient à la recherche d’un guru et de l’illumination instantané, ou que des pratiquants avancés souhaitent sincèrement se réaliser pas de panique car…
Même à l’heure des starlettes en leggins, nous avons encore l’incroyable chance qu’en quelques endroits privilégiés, certains, fermement attachés à la tradition continuent de faire exister le yoga dans sa forme la plus pure, préservant ainsi la racine de l’arbre dont nous savourons aujourd’hui les fruits.
Et au bout du compte, n’est-ce pas faire preuve de la philosophie qu’ils enseignent que d’accepter avec détachement l’impermanence et le changement du yoga, comme celui de toute chose ?
Bon , du coup, faire du yoga aujourd’hui ca veut dire quoi?
Et bien, sans vouloir vous décevoir, j’aime pas vraiment l’idée d’aboutir à un avis tranché sur la question, alors, si ca vous embête pas trop, je préfère continuer de me la poser encore un moment 😉
D’ailleurs, si vous voulez m’y aider ce serait très sympa, alors, si ce premier article vous a plu et que vous souhaitez en lire d’autre, prenez simplement le temps de répondre à ces 2 questions dans les commentaires :
Pensez vous que l’évolution du yoga est plutôt bénéfique ou néfaste à la discipline ?
Pour vous c’est quoi «faire» du yoga ?
N’hésitez pas non plus à poser vos questions, à partager vos avis ou vos réflexion sur d’autre sujet
(Je lis et réponds à tout les commentaires)
Comments 5
Tellement vrai et rafraîchissant comme approche, merci!
Super article
Je pense que le fait de rendre le yoga plus attractif est une bonne chose car bien que potentiellement Un peu dénaturées, les valeurs portées par l’enseignement sont plutot bienveillante et la pratique permet de se sentir mieux dans son corps en éliminant les tensions.
Il en ressort des gens apaisés, moins enclins a avoir des réactions négatives (énervement, violence…)
Author
Merci Nico pour ton retour et pour ton partage! Il est tout à fait juste d’observer que même si l’occident s’éloigne de quelque chose d’authentique, les valeurs au sein de la communauté d’enseignants ne sont pas pour autant dénué de positif!
Pour moi la démocratisation du yoga est bénéfique car elle apporte une pratique physique équilibré et une ouverture des mentalités a notre société occidentale. Même si ce n’est qu au niveau matériel du corps. Un corps sain est plus a même de réaliser des prises de conscience que l’inverse non.
Peut on dire que dans un travail de conscience en étudiant les traditions en travaillant bénévolement dans une association en cherchant à être conscient de ses fonctionnement … On est plus proche du yoga qu une personne travaillant simplement les asanas ?
Merci a toi pour cette réflexion
Author
Merci de partager tes réflexions et ton questionnement.
Si on en croit certains maitres, les prises de conscience et la réalisation du « Soi » serait plus accessible à un corps en bonne santé que l’inverse, ce qui paraît plutôt logique. Pour autant les difficultés posées par une santé fragile, un handicap ou des blessures importantes peuvent également être des tremplins vers de puissante réalisations si l’on s’engage à les dépasser.Les vies de B.K.S Yiengar où de Stephan Hawking en sont d’excellentes illustrations.
Pour essayer une réponse simple à ta seconde questions il n’y à pas, à mon sens, de comparatif à faire entre les différentes voies et les différentes branches du yoga.
Ce que tu décris (travail bénévole, observation de soi, études des anciennes traditions) me fait penser au karma et jnana yoga ainsi qu’à certains Yama et Nyamas.
La pratique des asanas est, elle aussi, en lien avec différents aspects du Yoga.
Une pratique intégrale et « ouverte » reste pour moi ce qu’il y à de plus pertinent.